Le Palmiste à chou dans l'océan Indien
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Les palmiers appartiennent à la famille des Arecaceae, regroupant environ 2600 espèces[1]. Cette large diversité d’espèces confèrent des utilisations et propriétés diverses et variées, que ce soit pour l’ornement, l’agriculture, l’artisanat ou encore la cosmétique.
Dans les Mascareignes, on retrouve 5 genres et 11 espèces de palmistes endémiques[2]. Parmi ceux-ci, le genre Acanthophoenix peut être cité comprenant le Palmiste noir (A. crinita), le Palmiste roussel (A. rousselii) et le Palmiste rouge des bas (A. rubra). Ces palmiers sont devenus rares à l’état sauvage. Ils sont en effet très prisés pour le cœur de leur bourgeon terminal, également appelé chou palmiste, apprécié en gastronomie. Malheureusement, la récolte du chou nécessite l’abattage du palmier. Le cœur se consomme sous diverses formes, telles qu’en salade, gratin, achard, etc. En métropole, il est davantage connu sous le nom « cœur de palmier », où on le retrouve principalement en conserve, et non frais.
Les espèces de palmistes cultivées pour leurs choux
Au sein de l’océan Indien, les espèces de palmistes consommées varient selon les pays. A la Réunion, c’est majoritairement A.rubra qui est cultivé pour son chou, à Maurice il s’agit de Dictyosperma album, alors qu’aux Seychelles c’est principalement Deckenia nobilis qui est cultivé.
Le palmiste rouge (A. rubra) est une espèce monoïque(*) pouvant atteindre 12 m de hauteur. La gaine du stipe(**), ainsi que la base des feuilles et des limbes sont pourvus de grandes épines noires pouvant mesurer jusque 10 cm de longueur. Ce trait est principalement retrouvé chez les jeunes individus, de même que la coloration rouge à la base des rachis, d’où le palmiste rouge tire son nom (rubra signifiant « rouge » en latin). Il est aussi parfois reconnaissable à sa base de stipe boursouflé, faisant penser à un pied d’éléphant[3].
A la Réunion, on le retrouve dans le sud-est de l’île, dans les forêts humides jusqu’à 700 m d’altitude[4]. La plus ancienne palmeraie de palmistes rouges se trouverait à l’Anse des Cascades.
(*) Espèce dont les fleurs mâles et femelles sont portées par le même pied.
(**) Une des caractéristiques du palmier est qu’il n’a pas de tronc mais un stipe. Ce dernier ne possède en effet pas de cambium assurant la croissance en largeur, typique d’un tronc.
Le palmiste blanc (D. album) peut atteindre 20 m de hauteur avec un stipe élancé. Il est principalement retrouvé dans les forêts de basse altitude, jusqu’à 1 200 m[5].Contrairement au palmiste rouge, il ne possède pas d’épine. Bien que D. album ne soit pas cultivé à La Réunion à des fins culinaires, on le retrouve fréquemment dans les jardins et en ornement dans l’aménagement urbain.
Deckenia nobilis est quant à lui endémique des Seychelles, où il se retrouve dans les forêts de plaine, jusqu’à 600 m d’altitude[6]. Il peut atteindre 30 à 40 m de haut et est reconnaissable par les épines jaunâtres présentes à l’état juvénile, qui disparaitront à l’âge adulte.
Une conservation critique
A l’heure actuelle, leur présence à l’état naturel est relictuelle ; ces palmistes ont presque entièrement disparu des paysages forestiers. A la Réunion, ce sont les grands défrichements entrepris après l’arrivée de l’Homme sur l’île qui ont été historiquement destructeurs. A la perte de leur habitat original s’est ensuite ajouté le braconnage des individus pour leurs cœurs, ainsi que la pression exercée par les espèces exotiques envahissantes qui prédatent les fruits et les jeunes plants.
Sans intervention et action de conservation, le risque est qu’il ne reste bientôt plus que des populations sauvages sénescentes, qui ne parviennent pas à se renouveler de manière naturelle, ce qui entrainerait in fine la disparition des populations originelles[7].
Afin d’endiguer le braconnage, leurs récolte et commerce sont aujourd’hui fortement réglementés et surveillés de près par l’ONF : les choux légalement coupés sont marqués d’un poinçon, assurant leur traçabilité. La coupe non-autorisée de choux palmistes est en effet passible d’amende, voire de peine d’emprisonnement (articles L171-15 et 16, Code forestier).
Par ailleurs, le CIRAD a introduit en 1993 la variété Pejbaye (Bactris gasipaes) sur l’île de La Réunion, l’objectif majeur étant de diversifier l’offre locale et de la rendre plus accessible pour le consommateur. Ce palmiste est en effet intéressant sur divers aspects : sa croissance est rapide (premiers cœurs récoltés après 3 ans, alors qu’il faut attendre 6 à 7 ans pour le palmiste rouge), la récolte de son cœur ne tue pas l’arbre et son chou ne s’oxyde pas ; il se conserve donc plus longtemps que celui du palmiste rouge[8].
Les perspectives du projet Germination
Dans cette optique de préservation et de valorisation du palmiste, plusieurs axes seront abordés par le projet Germination :
- Meilleure connaissance des systèmes de cultures présents et à développer dans l’OI ;
- Améliorer la production des palmistes de façon durable et efficace, par la caractérisation morphologique, agronomique et génétique ;
- Mise en collection et valorisation des espèces indigènes.
[1] About Palms: Introduction (n.d.). Palmweb : Palms of the World Online. Retrieved July 31, 2023, from https://palmweb.org/
[2] Moore, H. E., & Guého, L.J. (1984). Palmiers. In J. G. & W. M. s J. Bosser, Th. Cadet (Ed.), Flore des Mascareignes.
[3] Ludwig, N. (2006).Acanthophoenix in Réunion, Mascarene Islands. Palms, 50(2),82–98.
[4] Acanthophoenix rubra -fiche descriptive. (2023). Conservatoire Botanique National de Mascarin. Retrieved July 31, 2023, from https://daupi.cbnm.org/index.php/outils/fiches
[5] Dictyospermaalbum - fiche descriptive. (2023). Conservatoire Botanique National de Mascarin. Retrieved July 31, 2023, from https://daupi.cbnm.org/index.php/outils/fiches
[6] Deckenia nobilis. (2022). Palmpedia. Retrieved July 31, 2023, from https://www.palmpedia.net/wiki/Deckenia_nobilis
[7] Maunder, M., Page, W.,Mauremootoo, J., Payendee, R., & Mungroo, Y. (2002). The decline and conservation management of the threatened endemic palms of the Mascarene Islands Mike. Oryx, 36(1), 17.https://doi.org/10.1017/S0030605301000011
[8] Michels Thierry. 2004. Développement d'une nouvelle filière à la Réunion : le pejibaye (Bactris gasipaes) : une alternative pour la transformation du coeur de palmiste. In : Réunion annuelle Flhor, Montpellier, 5-9 juillet 2004. CIRAD-FLHOR-ARF. Montpellier : CIRAD, 10 p. Réunion annuelle FLHOR, Montpellier, France, 5 Juillet 2004/9 Juillet 2004.