La génétique des populations au service de la lutte contre Ralstonia solanacearum
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Jérémy Guinard entame sa deuxième année de thèse* au sein du Pôle de Protection des Plantes (3P). Son thème de recherche : l’étude du contournement de la résistance de l’aubergine par Ralstonia solanacearum. Interview…
Présentez-nous brièvement la bactérie que vous étudiez ?
- Ralstonia solanacearum est une bactérie du sol, pathogène des végétaux. Présente sur tous les continents, particulièrement dans les régions tropicales et subtropicales, cette bactérie va pouvoir attaquer, selon la région du monde dans laquelle elle se trouve, plus de 250 espèces de plantes différentes couvrant plus de 50 familles botaniques. Et parmi elles, des cultures à fort impact économique, telles que la tomate, la pomme de terre, la banane ou encore le tabac.
Vous étudiez quant à vous son comportement vis-à-vis d’une autre plante de la famille des solanacées : l’aubergine.
- J’essaie effectivement d’appréhender la biologie de cette bactérie, pour étudier son comportement visant à contourner la résistance mise en place par l’aubergine et in fine réussir à l’infecter. Hormis des traitements par antibiotiques, d’ailleurs interdits en France et dans plusieurs pays européens pour traiter les bactérioses des végétaux, aucune solution complètement efficace n’existe à l’heure actuelle pour faire face à Ralstonia solanacearum. L’idée est donc de proposer une solution alternative en conférant à ces plantes une résistance naturelle face à cette bactérie, et ce via des croisements génétiques et différentes techniques de sélection.
Pourquoi étudier spécifiquement son comportement vis-à-vis de cette plante ?
- Des tolérances de certaines plantes à cette bactérie ont pu être mises en évidence, mais pas de réelles résistances. Je pense notamment à la tomate qui reste, malgré sa tolérance, sensible à Ralstonia solanacearum. Or, dans le cas de l’aubergine, on a découvert un gène de résistance majeur Ers1, qui permet à la plante de fructifier et de se reproduire, et ce malgré la présence de la bactérie ou une forte pression d’inoculum (quantité d'agent pathogène utilisée pour infecter un e plante hôte, ndlr) dans le sol. La résistance de l’aubergine est donc unique, et représente pour le moment la seule source de résistance connue des solanacées face à cette bactérie.
Votre thèse se propose en premier lieu d’aborder la résistance de l’aubergine à Ralstonia solanacearum selon une approche globale. Quelle est-elle ?
- Cette première approche, dite « globale », est basée sur l’étude de gènes impliqués dans le pouvoir pathogène de la bactérie et dans sa capacité à se multiplier et à se reproduire in planta : les effecteurs. Après un travail bibliographique, on a sélectionné un certain nombre d’effecteurs afin d’étudier leurs distributions et leur variabilités alléliques dans une collection mondiale de souches. Cette collection mondiale comprend des bactéries ayant différents profils d’infection, à savoir capables d’infecter l’aubergine résistante/sensible ou de provoquer des infections latentes. L’objectif est ainsi de mieux comprendre, globalement, le déterminisme du contournement au niveau génomique.
Vous combinez ensuite cette première approche à une seconde plus « locale » ?
- Cette seconde approche est en effet orientée « génétique des populations », à l’échelle d’une parcelle. On va ainsi pouvoir étudier différents paramètres de génétique des populations de la bactérie, et notamment : connaître la dissémination de la bactérie au sein d’un même champ, savoir si la culture de l’aubergine résistante a un impact sur la génétique de la bactérie, étudier également si la succession des cycles de culture d’une même variété d’aubergine va influer la génétique de la bactérie… Autant de questions auxquelles j’essaie de répondre par la mise en place de deux cycles de culture d’aubergines par an (comprenant chacun les deux variétés d’aubergine, l'une sensible et l'autre résistante) sur une même parcelle du 3P.
Vous misez donc sur la complémentarité de ces deux approches ?
- Tant la connaissance de la diversité génotypique et phénotypique de Ralstonia solanacearum que la connaissance du déterminisme génétique de la résistance sont, selon moi, importantes pour établir une stratégie efficace de lutte contre cette bactérie. Cette double approche devrait ainsi identifier de mettre en place des marqueurs moléculaires pertinents permettant d’anticiper tout contournement de résistante, orienter des méthodes de lutte et, pourquoi pas, aider à définir des politiques rationnelles de gestion durable des résistances des plantes, à l’échelle locale et régionale.
* Titre de la thèse : « Dynamique évolutive du contournement de la résistance de l’aubergine par Ralstonia solanacearum - Approches globale et locale de la durabilité de résistance »
Encadrant : Emmanuel Wicker
Directeur de thèse : Stéphane Poussier