Karine Robert & Paulo Alves, agriculteurs AB : « Le marché du bio est réel »
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Suivis par le Cirad dans le cadre du projet Ecofrut qui cherche à améliorer les méthodes de production de mangues,ananas et agrumes, Karine Robert et Paulo Alves pratiquent, depuis leur arrivée à la Réunion en 2006, une agriculture certifiée AB. Témoignage…
« On a eu l’occasion de passer en bio, même si l’appellation ne nous convenait pas et ne nous convient toujours pas d’ailleurs : trop commercial, trop marketing… Nous souhaitions d’abord faire du naturel, sans intrants, engrais chimiques, pesticides ou insecticides.
Une agriculture où le végétal reprend sa place
Nous voulons prouver par notre agriculture, nos manières de faire et de penser, que des alternatives aux méthodes utilisées par l’agriculture conventionnelle sont possibles. Nous envisageons d’abord l’agriculture comme un vaste terrain d’expérimentation, où le végétal reprend sa place. L’idée pour nous est de toujours se répéter que la nature nous gouverne et non l’inverse, et ainsi s’adapter à son rythme. Bref, revenir à une manière de travailler qui a fait ses preuves. On a, nous semble-t-il, perdu des techniques. On essaie simplement à notre échelle de se les ré-approprier et pourquoi pas de les ré-inventer. La recherche agro-écologique, développée notamment par le Cirad, va à ce titre dans le bon sens en faisant changer les mentalités.
Le« bio » : des produits bons mais également beaux
Aujourd’hui, le marché du bio est réel. La demande est d’ailleurs de plus en plus forte. On le ressent notamment sur les marchés forains où nos produits sont vendus en direct aux consommateurs. Souvent,en fin de matinée sur le marché forain, il nous reste les plus belles aubergines. Pourquoi ? Parce que les gens veulent du bio, et choisissent les aubergines les plus moches, les plus petites, les plus flétries ou les plus piquées,préférant prendre un produit abîmé en se disant : « ça c’est du bio ! ». Or, c’est faux. On arrive parfaitement à produire de bons et beaux produits en agriculture biologique.
Vers une littérature de référence dans « le bio » à la Réunion ?
J’admets toutefois qu’il nous est impossible de répercuter notre main d’œuvre réelle sur le coût d’un produit. Au taux de la main d’œuvre en France sur les exploitations agricoles, on ne pourrait pas. Et qu’il faut ne faut pas s’attendre à obtenir les mêmes résultats et mêmes rendements qu’en agriculture conventionnelle. La première qualité de l’agriculteur « bio » est d’ailleurs la patience. C’est une autre manière de travailler, un travail de longue haleine, quitte, pour un agriculteur souhaitant se tourner vers le bio, à procéder parcelle par parcelle, petit bout par petit bout. Une solution nous permettant d’épargner du temps serait peut-être une littérature de référence en bio, à laquelle on pourrait avoir recours, mais qui n’existe pas à la Réunion. Contrairement à la métropole, on ne dispose même pas ici d’un calendrier des plantations pour le bio. On est obligés de se référer à la littérature, aux conseils, fiches techniques et bulletins mensuels de Madagascar et de Maurice ».