Combiner les méthodes, sur la parcelle et sur l’île, pour réduire les populations de mouches des fruits
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A l’échelle de l’île, une méthode biologique, commence à porter ses fruits.
La femelle de Fopius arisanus, petite guêpe inoffensive pour l’homme et la nature, pond dans l’œuf de la mouche, présent dans le fruit. En moins de 24h, son œuf éclot pour donner une larve qui finit par dévorer la mouche (au stade de pupe). Cet insecte qui se développe aux dépens d’un autre est appelé un parasitoïde. A Hawaii, ce parasitoïde est le principal régulateur des populations de mouches des fruits. Il a donc été importé fin 2003 à la Réunion par le Cirad, en liaison avec l’United State Department of Agriculture d’Hawaii, puis multiplié en laboratoire au pôle de protection des plantes. 74 800 adultes ont ensuite été lâchés sur l’île en 2004. « Depuis l’arrêt des lâchers, les collectes régulières de fruits attaqués par les mouches montrent que Fopius arisanus s’est bien acclimaté sur notre île. Les taux de parasitisme observés sont très variables, mais peuvent atteindre des niveaux très importants (70-80 %), ce qui laisse espérer une réduction importante des populations de mouches, tout au moins dans certaines conditions favorables liées au climat et aux plantes-hôtes. Il faut noter que le parasitoïde ne survit pas aux traitements chimiques : le but en effet n’est pas qu’il soit présent sur les zones cultivées, mais sur des zones réservoirs où les arbres fruitiers ne sont pas traités (ex : badamier). Jusque-là, dans ces zones, les populations de mouches se multipliaient sans frein », révèle Pascal Rousse, qui a récemment soutenu sa thèse de doctorat sur la biologie et le comportement de ce parasitoïde (2006).
Le jeune chercheur a développé une théorie originale sur ce parasitoïde : celle du « droit à l’erreur ». Dans celle-ci, le parasitoïde est mieux adapté à son milieu en étant « générique et imparfait », plutôt que « spécialisé et multiple ». Pascal Rousse étaye sa thèse : « Contrairement à ce qui est communément admis sur les parasitoïdes, Fopius arisanus est peu spécialisé, puisqu’il est capable de parasiter toutes les mouches des fruits présentes à la Réunion. Il est attiré par l’odeur de 80 espèces de fruits, de la mangue à la fraise, en passant par la courgette. Les expériences en laboratoire ont montré de plus qu’au début de sa vie, il ne reconnaît pas les couleurs et est attiré par ce qui est sombre, autrement dit : ce sont les contrastes lumineux qui lui permettraient de distinguer le fruit du feuillage alentour. Le parasitoïde agit en semi-aveugle. Au laboratoire, il parasite même Bactrocera cucurbitae, une mouche des légumes, alors que cela est peu rentable pour lui ».
Pour la lutte biologique contre les mouches des légumes, un autre parasitoïde paraît plus adapté. Il s’agit de Psyttalia fletcheri, dont 195 000 adultes ont été lâchés en 1997, après études en laboratoire, et qui s’est acclimaté. Il exerce notamment son activité régulatrice sur les populations de mouches qui se développent dans les Cucurbitaceae sauvages comme la margose.
A l’échelle de la parcelle, l’agriculteur utilise des pièges lui permettant de surveiller les populations de mouches pour pouvoir contrôler les bonnes espèces au bon moment.
Ces pièges sont les mêmes que ceux du réseau de surveillance du Cirad. En verger de basse altitude, où les trois espèces de mouches sont présentes ( B. zonata, C. capitata, C. rosa), deux pièges différents sont utilisés : l’un pour les cératites, et l’autre pour B. zonata. Lorsque l’un au moins des pièges a capturé plus de 25 mouches, il est préconisé de traiter ses arbres avec un attractif alimentaire masquant un insecticide : ce traitement par tache cible les trois espèces. On conseille à l’agriculteur d’utiliser en plus une technique de destruction des mâles, pour limiter les populations de B. zonata sur sa parcelle. Mais cette dernière méthode est bien plus efficace si elle est appliquée à l’échelle du bassin versant.
En verger d’altitude où C. rosa est la seule espèce d’importance économique, les méthodes de lutte raisonnée conseillée dans les années 90 restent valables. De nouvelles méthodes de lutte bio-technique sont en cours d’élaboration : elle font appel au piègeage de masse ou à des stations attractives pour les femelles.
Dans tous les cas, la prophylaxie est de rigueur.
Voir le schéma de lutte intégrée à appliquer sur la parcelle.
A l’échelle du bassin versant, une approche agro-écologique est adoptée.
Jean-Philippe Deguine, entomologiste au Cirad à la Réunion, a débuté en 2006 des recherches sur la gestion agro-écologique des ravageurs. « Une des techniques agroécologiques privilégiées pour la gestion des ravageurs est l’association des espèces végétales. Les associations de plantes ont tendance en effet à favoriser l’action de la faune utile sur les bioagresseurs, à restaurer la biodiversité et à contribuer à des retours à des équilibres écologiques précédemment disparus. Dans ce domaine de recherche, en particulier sur la gestion agro-écologique des populations de mouches des fruits à la Réunion, tout est à découvrir », s'enthousiasme t-il.
La gestion agroécologique va dans le sens d’une valorisation de la biodiversité animale et végétale, elle-même contribuant au bon fonctionnement écologique des agroécosystèmes et moyen reconnu pour réduire les risques de pullulations des ravageurs. En mettant l’accent sur la gestion des peuplements végétaux, cultivés ou non cultivés (forme, structure et taille ; arrangement ; composition), la démarche vise aussi à préserver les populations d’auxiliaires en place, ce qui correspond à une des voies du concept de la lutte biologique. Le rôle des corridors biologiques pour la faune utile est par exemple privilégié, tant à l’échelle locale qu’à l’échelle du paysage.
Contact :
Serge QUILICI
Cirad - Pôle de protection des plantes
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