Vanille Bourbon : Protéger l’or brun de Madagascar des maladies et des ravageurs
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CONTEXTE
La vanille est la première ressource agricole d’exportation, en valeur, de Madagascar qui produit environ 80 % de la vanille consommée dans le monde.
Face à la demande croissante de vanille, le nombre de plantations augmente fortement dans le pays et en particulier dans la SAVA. Cette région formée des districts de Sambava, Antalaha, Vohemar et Andapa, fournit à elle-seule les trois-quarts de la production nationale.
Cependant, le très fort regain d’intérêt pour la plantation de vanilliers se heurte actuellement à la pénurie de boutures, aggravée par l’absence d’un système de production de boutures de qualité contrôlée. Cela fait peser un risque sanitaire à la vanilleraie malgache.
En effet, plusieurs maladies touchant les vanilliers sont facilement propagées parles transferts de boutures infectées, comme par exemple le virus de la mosaïque du Cymbidium (CymMV) et la fusariose provoquée par le champignon Fusariumoxysporum.
De plus, certains ravageurs, absents de Madagascar mais présents dans les pays environnants, comme par exemple la redoutable cochenille Conchaspis angraeci,pourraient être introduits à l’occasion d’importations de boutures infestées.
Afin de prévenir ces risques, Michel Grisoni, chercheur au CIRAD, dresse actuellement un état des lieux de la situation phytosanitaire de la vanilleraie malgache dans le cadre du projet EPIBIO OI. Le projet EPIBIO OI, co-financé par l’Union Européenne (programme Feder Intereg V) et la Région Réunion, vise à promouvoir une dynamique d’épidémiosurveillance et de biocontrôle dans le Sud-Ouest de l’OcéanIndien et à protéger les cultures des producteurs grâce à des solutions de lutte biologique.
En ce qui concerne la vanille malgache, l’objectif pour les scientifiques est double : connaître l’incidence actuelle des différentes maladies, particulièrement du CymMV, et proposer les mesures prophylactiques permettant de diminuer leur impact ou prévenir l’introduction de nouveaux bioagresseurs.
La mission de Michel Grisoni en collaboration avec ses partenaires à Madagascar consiste à inspecter un panel de parcelles pour identifier les maladies présentes et à quantifier leur impact.
POINT D’ÉTAPE
Au moment de l’entrée en vigueur du confinement imposé par la crise sanitaire de la Covid-19, sur les 150 parcelles qui devaient être inspectées et échantillonnées entre décembre 2019 et avril 2020, 122 parcelles localisées sur 29 communes ont été visitées dans les quatre districts de la SAVA. Les missions complémentaires prévues dans les régions d’Ambanja, Mananara et Mahanoro seront reprogrammées une fois la circulation interrégionale rétablie à Madagascar.
Pour le dépistage sérologique du CymMV, 204 échantillons de feuilles ont été collectés et rapportés au laboratoire du CTHT à Toamasina. Cet échantillonnage, le plus important jamais réalisé, comportait 127 lots de feuilles de vanilliers ordinaires (Vanillaplanifolia dite Gasy), et 39 lots de feuilles de variétés hybrides (Mexique,Tsy Taitra, Manitra ampotony etc.). Après analyse, il apparaît qu’environ un tiers des parcelles de vanille Gasy de la SAVA sont virosées. D’autre part, près des deux tiers des plants de vanilliers des variétés hybrides (Mexique, Tsy Taitra) sont infectés par le CymMV, et par voie de conséquence, la plupart des parcelles de vanille Gasyvirosées sont celles complantées avec des hybrides.
© Symptômes et dépistages du CymMV - Michel GRISONI, CIRAD
La fusariose, qui se traduit par des systèmes racinaires en perpétuel renouvellement entrainant l’épuisement des lianes, est omniprésente, mais avec une incidence variable selon les contextes pédoclimatiques et les modes de culture.
© Proliférations racinaires et dépérissements provoqués par la fusariose - Michel GRISONI, CIRAD
Durant la période d’observation, qui faisait suite à un épisode très pluvieux en fin d’année 2019, des dégâts importants de pourriture noire à Phytophthora ont été observés, notamment dans le district d’Antalaha.
Trois ravageurs d’incidence généralement mineure ont été recensés. Il s’agit de deux coléoptères appartenant aux genres Perrisoderes (kakamenaloha) et Bradylema(kakamavo) et de limaces (lalinta). Fort heureusement, aucun signe de présence de la cochenille Conchaspis angraeci n’a été repéré dans toutes les plantations visitées.
« La situation sanitaire des plantations de la SAVA n’est de mon point de vue pas particulièrement alarmante, mais pourrait être grandement améliorée. Une meilleure information des planteurs et surtout l’utilisation rationnelle du potentiel génétique présent dans le pays sont deux leviers puissants qu’il faudrait actionner pour y parvenir » indique Michel Grisoni à ce stade de la mission.