Répartition et diversité génétique de cinq ravageurs invasifs de l’Eucalyptus en Afrique subsaharienne
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LE CONTEXTE
Originaire d’Australie, l’Eucalyptus est présent dans plus d’une centaine de pays à travers le monde. Caractérisées par leur croissance rapide, par une résistance à la sécheresse ou pour leur propriété physique d’intérêt pour le bois d’œuvre et le bois de chauffe, ou encore pour la production de miel ou celle d’huile essentielle, plusieurs espèces d’eucalyptus sont largement exploitées, telles que E. globulus, E.camaldulensis, E. radiata, E. tereticornis pour n’en citer que quelques-unes.
L’Eucalyptus joue un rôle socio-économique considérable pour les communautés rurales et urbaines de nombreux pays dont l’Afrique subsaharienne. L’état sanitaire de cette espèce est donc capital.
Pourtant, l’Eucalyptus est fortement attaqué par des ravageurs indigènes mais aussi non-indigènes (introduits). Le taux d’introduction accidentelle d’insectes non-indigènes qui attaquent l’Eucalyptus a augmenté à l’échelle mondiale et notamment dans la région de l’Afrique subsaharienne. L’accroissement des échanges entre les pays (mondialisation), le manque de réglementation et de sensibilisation face à ce phénomène peuvent être cités comme causes de cette augmentation.
Pour lutter contre ces ravageurs, des partenaires du projet EPIBIO OI ( CIRAD Réunion, FOFIFA Madagascar, Ministry of Agro-Industrial and Food Security Maurice) ont participé à une étude internationale sur la diversité génétique des ravageurs de l’Eucalyptus. Cette étude a été menée par une équipe internationale de scientifiques coordonnée par l’Université de Pretoria (Department of Zoology and Entomology, Forestry and Agricultural Biotechnology Institute).
Les chercheurs ont examiné la diversité génétique et cartographié la répartition de cinq insectes ravageurs dans 14 pays de l’Afrique subsaharienne (voir carte A ci-dessous).
Carte A : Les 14 pays de l’Afrique Subsaharienne étudiés afin d’identifier la répartition et la diversité génétique de cinq ravageurs invasifs de l’Eucalyptus.
LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
Les chercheurs ont mené d’importants échantillonnages dans six des 14 pays (l’Éthiopie, le Ghana, le Rwanda, la Sierra Leone, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud), et ce, sur 14 à 48 sites par pays. Jusqu’à une centaine d’Eucalyptus par site ont été observés pour détecter la présence d’insectes nuisibles.
Dans les huit autres pays, un échantillonnage à plus petite échelle a été effectué. Comparé aux enquêtes, cet échantillonnage était constitué de collections moins structurées, provenant d’une ou deux localités par pays. Les chercheurs ont collecté des échantillons d’insectes de février 2017 à octobre 2018.
Un premier état des lieux de la présence de ces ravageurs a alors été réalisé à Maurice et à La Réunion par Maëva Vinot, VSC Ingénieure de recherche au Cirad (phase 1 du projet EPIBIO) et à Madagascar par François Hervy, VSI Chargé de mission Agronomie-Entomologie forestière France Volontaires. Ils ont accompli un travail de terrain conséquent et ont ainsi pu apporter les premiers résultats sur ces trois territoires.
Maëva Vinot a mené une campagne d’échantillonnage à La Réunion et à Maurice avec l’appui du Ministry of Agro-Industrial and Food Security. Elle a ensuite trié les insectes récoltés afin de sélectionner les potentiels ravageurs de l'Eucalyptus.La mise en collection et l’identification génétique par barcoding en laboratoire, ont quant à elles, été confiées à Joëlle Sadeyen, Ingénieure d’études Biologiste Moléculaire à l’ Université de La Réunion (phases 1 et 2 du projet EPIBIO).
Lors de sa mission de terrain à Madagascar, François Hervy a, lui, été accueilli au FOFIFA, Centre National de la Recherche Appliquée au Développement Rural. Il a ainsi constaté que trois ravageurs (la micro-guêpe Leptocybe invasa, le psylle Glycaspisbrimblecombei, la micro-guêpe Ophelimusmaskelli) sont présents sur le territoire, L. invasa infligeant les dégâts les plus importants.
L’ADN des spécimens a été extrait de ces échantillons. La diversité génétique de chacun de ces insectes nuisibles a été évaluée en utilisant des données de séquence d’une portion du gène mitochondrial cytochrome oxydase I (COI). Ces analyses moléculaires ont été réalisées par l’Université de Pretoria et l’UMR-PVBMT.
LES RÉSULTATS DANS LES 14 PAYS
Les résultats permettent de compléter les données connues sur la répartition des principaux ravageurs non-indigènes de l’Eucalyptus dans les différents pays d’Afrique subsaharienne. Quatre des cinq ravageurs étudiés ont désormais une vaste aire de distribution.
- La micro-guêpe Leptocybe invasa (bluegum chalcid) est présente dans 13 des 14 pays étudiés, la République Démocratique du Congo étant l’exception.
- Le psylle Glycaspisbrimblecombei est présent dans 11 pays de la liste (l’Éthiopie, Kenya,Madagascar, Malawi, Maurice, La Réunion, Rwanda, l’Afrique du Sud, l’Uganda, la Zambie et le Zimbabwe).
- La punaise Thaumastocorisperegrinus est également présente dans 11 pays (La République Démocratique du Congo, le Kenya, Madagascar, le Malawi, Maurice, La Réunion, le Rwanda,l’Afrique du Sud, l’Uganda, la Zambie et le Zimbabwe)
- La présence du charançon de l’Eucalyptus, Gonipterus sp. a été confirmée au Kenya, au Rwanda, en Afrique du Sud et au Zimbabwe
- La présence de la micro-guêpe Ophelimus maskelli a été confirmée en Ethiopie, à Madagascar, au Rwanda et en Afrique du Sud
L’analyse de la diversité génétique des cinq espèces d’insectes a montré des situations contrastées, allant d’une diversité génétique très importante chez Leptocybe invasa ou Gonipterus sp. à une absence de diversité chez Glycaspis brimblecombei. Ces situations contrastées pourraient trouver leur origine dans les différents mécanismes d’introduction (fréquence, origine géographique, diversité génétique plus forte,mais en un unique évènement d’introduction ou bien une diversité plus faible mais répartie lors de multiples introductions), bien que ceci reste à démontrer.
Le cas de Leptocybe invasa est le plus complexe. Deux lignées génétiques distinctes de ce ravageur coexistent dans certains pays en Afrique. Il sera, par conséquent, nécessaire de s’assurer que les solutions de biocontrôle (lutte biologique, résistance variétale) mises au point contre l’une des lignées seront également efficaces contre l’autre lignée.
Cette étude menée en Afrique subsaharienne sur les ravageurs de l’Eucalyptus est la première du genre, d’autant qu’il n’existait que peu de documentation à ce sujet. Ces résultats ont des implications pour la gestion des insectes nuisibles à l’Eucalyptus sur le sol africain et notamment pour les questions d’épidémiosurveillance et de quarantaine.
L’équipe EPIBIO devra poursuivre l’analyse de l’impact de ces ravageurs émergents afin de définir les priorités dans le cadre d’un programme de lutte biologique pour les territoires de la zone Océan Indien.
De futures études vont également s’intéresser aux routes d’invasion de ces ravageurs afin de mieux comprendre les modes d’introduction et de dissémination de ces ravageurs exotiques.