Une abeille péi !
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L’abeille se conjugue au pluriel. Certes, l’espèce Apis mellifera vient toujours d’Afrique ou d’Europe, et quand elle arrive dans n’importe quel autre endroit du monde, elle est donc forcément exotique au départ.
Mais sur certains territoires, à force de temps et d’adaptation avec la flore indigène, l’espèce a donné naissance à 30 sous-espèces, parmi lesquelles la fameuse Apis mellifera unicolor, endémique de Madagascar.
Considérant la biodiversité présente dans les îles de l’océan Indien - et notamment celle de leurs flores - il était donc intéressant de se demander si toutes les abeilles de l’océan Indien étaient encore exotiques... ou pas !
Les conclusions de cette étude qui ont fait l'objet d'une publication sont claires : «Oui, on a bien un sous-groupe spécifique », résume Hélène Delatte. Cette « abeille péi », « probablement antérieure à l’arrivée de l’homme », est présente dans diverses proportions selon les îles et selon les politiques d’importation qu’on y pratique.
A la Réunion par exemple, un arrêté préfectoral de 1982 interdit toute introduction d’abeille et de matériel apicole pour protéger nos ruches de toute maladie. Cette protection optimale, unique dans la zone, ne nous a pourtant pas mis à l’abri du varroa destructor, arrivé à la Réunion au mois de mai dernier...
Ces recherches ont constitué la thèse de génétique de la jeune chercheuse réunionnaise Maeva Técher, aujourd’hui en post-doctorat à Okinawa, au Japon. Pour étudier les populations d’abeilles, il a fallu faire une très grosse campagne d’échantillonnage dans les principales îles de la zone. En tout, 1184 colonies ont été étudiées : un record !
Une fois prélevés et acheminés, les échantillons ont été« caractérisés », c’est-à-dire qu’on a observé et comparé l’ADN des différentes abeilles. Un travail de... fourmi.
Les différences constatées ont révélé une sous-espèce endémique, présente dans les îles de l’océan Indien - sauf à Rodrigues.
Mais au fait, pourquoi nos abeilles sont-elles devenues endémiques ? C’est à force d'adaptations avec la biodiversité locale, au fil des siècles. Cela permet de dire que «certaines populations sont probablement antérieures à l’arrivée de l’homme », ajoute Hélène Delatte. On ne le répètera jamais assez : nos îles,véritables laboratoires de recherche à ciel ouvert, sont le creuset de la biodiversité.
Ainsi, nos « abeilles péi » sont devenues elles-mêmes une source de biodiversité qu’il faut protéger et étudier plus précisément. Pour cela, les recherches se poursuivent. Pour mieux connaître par exemple les spécificités de leurs miels, l’équipe se penche actuellement, grâce à des ruchers d’étude, sur leur façon de butiner et ce qu’elles produisent.
(*) Peuplements végétaux et bioagresseurs en milieu tropical.
Références de l’étude :Techer, M.A., J. Clémencet, C. Simiand, S. Preeaduth, H.A. Azali, B. Reynaud, and D. Hélène (2017) Large-scale mitochondrial DNA analysis of native honey bee Apis mellifera populations reveals a new African subgroup private to the South West Indian Ocean islands. BMC genetics 18, 53.