Eric Blanchart et Malalatiana Razafindrakoto : "Six nouvelles espèces de vers de terre à Madagascar, dont une géante !"
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Chercheur à l’IRD au sein de l'UMR Eco&Sols (Ecologie fonctionnelle et biogéochimie des sols et des agroécosystèmes), Eric Blanchart encadre la thèse de Malalatiana Razafindrakoto sur les vers de terre (systématique,distribution et écologie des vers de terre de Madagascar). Lors d'une récente communication à un colloque sur la biodiversité de l'océan Indien, organisé par la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité, ils ont révélé leurs récentes découvertes sur la macrofaune du sol de Madagascar.
Quelles connaissances avons-nous de la macrofaune du sol à Madagascar ?
Si l’endémisme des Vertébrés et des Plantes (qui atteint 80% pour la faune et 90% pour la flore) a été bien étudié à Madagascar, notre connaissance du monde des invertébrés et notamment les habitants du sol est très limitée. Le manque de connaissances sur ces organismes est particulièrement flagrant pour les vers de terre. Avant notre projet Faune-M, la faune des vers de terre de Madagascar était pratiquement inconnue. Il n’y avait pas eu de recherche systématique des vers de terre et la connaissance provenait de collectes occasionnelles. Le dernier rapport sur un ver de terre de Madagascar avait été publié par Michaelsen en 1931 !
Quel était l’objectif du projet Faune-M, que vous avez présenté au colloque FRB fin 2011 ?
L’objectif du projet Faune-M, financé par la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité, était d’apporter des connaissances concernant la diversité de certains groupes d’invertébrés particulièrement importants pour le fonctionnement du sol : les vers de terre (Annélides, Oligochètes), les termites (Insectes, Isoptères) et les larves de Coléoptères (de la famille des Scarabeidae, appelés communément des« vers blancs »). Ces organismes sont les principaux représentants d’un groupe d’organismes appelés les « ingénieurs du sol ».
Pourquoi est-il si important d’étudier ces ingénieurs du sol ?
Ces invertébrés jouent un rôle clé dans le fonctionnement des sols et des écosystèmes. Ils participent à la décomposition de la litière en la fragmentant et l’incorporant au sol, ilsconstruisent et maintiennent la structure des sols en creusant des galeries eten modifiant l’agrégation, ils contrôlent la diversité et les activités microbiennes responsables du recyclage des nutriments, ils protègent les plantes contre les maladies et les pathogènes. Ainsi, les conséquences des activités des ingénieurs du sol sur les biens et services écosystémiques sont importantes : ils contribuent aux services de support (production primaire,formation et rétention des sols, recyclage des nutriments) et aux services de régulation (régulation du climat, contrôle de l’érosion, purification de l’eau,etc.). Enfin, ils peuvent représenter des ressources génétiques, biochimiques, pharmaceutiques ou alimentaires non négligeables.
Quels sont les principaux résultats du projet ?
Des inventaires ont été réalisés dans différentes zones pédoclimatiques de Madagascar, sous la plupart des climats et pour les principaux types de sol (sols ferrallitiques et sols ferrugineux), dans 10 régions de Madagascar : Alaotra-Mangoro, Analamanga, Analanjirofo, Boeny, Menabe, Sofia, Sava, Diana, Vakinankaratra, Vatovavy-Fitovinany. Dans chacune de ces régions, les échantillonnages ont été réalisés dans divers sites et divers types d’écosystèmes, depuis les écosystèmes naturels jusqu’aux systèmes les plus anthropisés. Les coordonnées géographiques de chaque site ont été relevées, la végétation et le type de sol ont été décrits. Ces inventaires ont permis la récolte de nombreux spécimens qui ont été pour la plupart identifiés. Une base de données et une collection de référence ont été mises en place au FOFIFA à Ambatobe et au Département de Biologie Animale de l’Université d’Antananarivo.
Les résultats sont particulièrement intéressants sur les vers de terre.
Quelles espèces ont été identifiées ?
Au total, 32 espèces de vers de terre ont été inventoriées dans 8 familles : Acanthodrilidae, Eudrilidae,Glossoscolecidae, Megascolecidae, Ocnerodrilidae, Octochaetidae,Moniligastridae, Kynotidae. La famille des Kynotidae, représentée par un seul genre Kynotus est endémique de Madagascar et 6 nouvelles espèces de Kynotus ont pu être décrites : K. sianakus, K. parvus, K. minutus, K. proboscideus,K. giganteus, K. sakafotsy. Parmi celles-ci setrouvent trois espèces « géantes », nouvelles pour la science. En particulier, K. giganteus est une espèce mesurant 1,85 m de long !
Les termites, toujours en cours d’identification, montrent, en l’état actuel de nos identifications, une assez faible diversité avec 6 espèces décrites ayant des aires de répartition très larges et appartenant à 6 genres : Coarctotermesclepsydra, Microtermes kauderni, Capritermes capricornis, Microcerotermes subtilis, Termes baculiformis, Nasutitermes sp.
Toutes les espèces actuellement identifiées (au nombre de 36) pour les Coléoptères Scarabeidae sont des espèces endémiques déjà connues des scientifiques (cinq familles : Cetoniidae, Dynastidae, Melolonthidae, Sericidae, Hopliidae). Les résultats ont montré que ces larves étaient plus abondantes et plus diversifiées dans les milieux anthropisés que dans les milieux naturels.
Les investigations sur la macrofaune du sol à Madagascar vont-elles se poursuivre ?
Le sol de Madagascar reste un milieu encore trop peu exploré et de nouvelles recherches seront nécessaires pour compléter les inventaires réalisés jusqu’à présent et mieux comprendre non seulement les relations entre espèces natives (Kynotidae) et introduites mais aussi pour mieux connaître les rôles écologiques remplis par ces différentes espèces.
Source : "Changement global et diversité de la macrofaune du sol à Madagascar" par Eric Blanchart et Malalatiana Razafindrakoto. Colloque FRB 14-15 décembre 2011.
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