Jean-Philippe Deguine : "L’agroécologie, c'est mettre de l’écologie dans l’agronomie"
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Jean-Philippe Deguine est chercheur en agroécologie au Cirad à l'île de la Réunion, au sein de l'UMR Peuplement Végétaux et Bioagresseurs en Milieu Tropical (PVBMT). Avec la Chambre d'agriculture, son équipe a proposé une solution durable contre les mouches des légumes à la Réunion. Il revient sur cette expérience développée durant 3 ans à la Réunion et aujourd'hui au stade de transfert vers les agriculteurs.
Vous êtes responsable du projet GAMOUR, abouti en décembre 2011. Quels sont les fondements de ce concept innovant à la Réunion ?
Jean-Philippe Deguine : Le projet GAMOUR a été initié par le besoin de répondre concrètement aux préoccupations des agriculteurs quant à l’impact dévastateur des mouches des légumes. Ce projet s’insère dans une évolution vers une agriculture adaptée au concept d’écologie, proscrivant l’utilisation d’insecticides curatifs. L’agroécologie replace ainsi au premier plan la nécessité d’une agriculture durable qui serait viable économiquement pour les agriculteurs et respectueuse de l’environnement et de la santé. S’inspirant des processus existants dans les écosystèmes naturels, ces techniques d’agroécologie ont été développées à partir d’expériences déjà réalisées à Hawaii, et prennent en compte les spécificités de la Réunion.
Qu’est-ce que la mouche des légumes et en quoi est-elle nuisible ?
J.-P. D : Il s’agit des mouches des légumes car il y a plusieurs espèces. Elles s’attaquent notamment aux cucurbitacées (chouchous, citrouilles,courgettes…) et peuvent entraîner des pertes de production allant jusqu’à 100 %. Depuis d’quelques années ces mouches pullulent envahissent les cultures. A l’Entre-Deux, la culture du chouchou a bien failli être abandonnée à cause d’elles.
Pendant 3 ans, 25 agriculteurs de Petite-Ile, l’Entre-Deux et Salazie ont testé le paquet technique que vous leur avez proposé. Quels ont été les impacts au niveau économique, environnemental et sanitaire ?
J.-P. D : Tous sont positifs. Pour une production équivalente, les agriculteurs ont fait l’économie des insecticides et du temps d’épandage. D’où un meilleur respect de la biodiversité, un retour des pollinisateurs au bénéfice de la culture, et une réduction des risques de pollution des nappes phréatiques.Les risques sont également réduits pour la santé des agriculteurs et des consommateurs, puisque les légumes produits ne comportent plus d’insecticide.
Quelles sont les perspectives de ce projet ?
J.-P. D : La Chambre d’Agriculture a pour mission de transférer ces techniques d’agroécologie aux agriculteurs de l’île dans les années à venir. De notre côté, nous envisageons d’adapter ces techniques à d’autres cultures comme la mangue, avec le tout nouveau projet Biophyto.
Source :AGROnews n°5