RITA - L’heure est au transfert
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Le bilan du Réseau d’Innovation et de Transfert Agricole lors du Salon de l’Agriculture 2015 et son prolongement vers le RITA 2, mettant l’accent sur la transmission de connaissance aux agriculteurs, est l’occasion pour nous de faire un point avec Guillaume Insa. L'animateur du RITA végétal de La Réunion et Directeur Technique de l'Armeflhor[1] évoque le volet réunionnais de ces partenariats entre acteurs du monde agricole des départements d’outre-mer.
La création du RITA
En 2009, lors des Etats Généraux de l’Outre-Mer, les différents professionnels du monde agricole de tous les DOM ont été interrogés sur leurs besoins. Selon Guillaume Insa :
« Ce qui en est sorti était le fait qu’ils voulaient qu’on réponde plus efficacement à leurs besoins et questions techniques. Suite à cette demande, il y a eu des missions du Ministère de l’Agriculture, du Cirad et de l’ACTA[2] qui se sont déroulées dans tous les DOM et qui ont proposé pour répondre à cette question, non pas de créer une structure supplémentaire et nouvelle qui viserait à répondre aux problèmes techniques, mais plutôt de dire : "il y a suffisamment d’organismes déjà en place dans les DOM, il suffit de les mettre en réseau pour qu’ils travaillent en complémentarité" ».
La décision est donc alors prise de créer un Réseau d'Innovation et de Transfert Agricole pour chaque département ultra marin. Lancé en 2011 par le Ministère de l’Agriculture français, le RITA doit favoriser la diversification de l’agriculture dans tous les DOM[3]. Il y fédère l’ensemble des partenaires du dispositif Recherche-Développement-Formation œuvrant pour le développement agricole : les organismes de recherche, les instituts techniques nationaux et émergents, les chambres d’agriculture, les autres organismes à vocation technique et les centres de formation. C’est un réseau tissé au service des professionnels pour fournir une réponse collective à des questions précises telles que l'optimisation des coûts d'élevage, la réduction de l’usage des intrants chimiques ou encore la diversification des productions.
Véritable chaîne collaborative, chacun y intervient dans son cœur de métier et de façon complémentaire afin de mettre en œuvre des actions de recherche, d’expérimentation et de transfert aux bénéfices des producteurs pour le développement endogène des territoires ultra-marins.
« La démarche RITA vise à accompagner, accélérer et accentuer le développement des productions agricoles de diversification animale ou végétale dans les DOM par des innovations en Recherche & Développement et, élément important, par le transfert vers les agriculteurs. On met en synergie, en réseau l’ensemble des acteurs de la R&D du département, piloté par la DAAF de chaque département».[4]
Du RITA 1 au RITA 2 – Transfert renforcé et dynamique « inter-DOM »
Lors du Salon de l’Agriculture 2015, les divers partenaires du réseau ont fait le bilan depuis la mise en œuvre opérationnelle du RITA 1 en 2012 et ont défini les perspectives et orientations du RITA 2, entamé en janvier 2015.
Là où le RITA 1 insistait surtout sur la recherche appliquée, le RITA 2 met l’accent sur le transfert d’innovation en agro-écologie[5] et l’appropriation par les agriculteurs des innovations réalisées depuis 2012. L’enjeu du RITA 2, selon le Directeur Technique de l'Armeflhor, est de « s’assurer que tout ce qui est efficient au niveau de la recherche appliquée et de l’expérience soit bien transféré jusqu’à l’agriculteur. »
Pour cela, un maillon essentiel de cette chaîne « RITA » est la Chambre d’Agriculture de chaque département. Une fois les nouvelles techniques mises au point suite aux besoins exprimés par les professionnels, il appartient au Cirad et à l’Armeflhor de former les techniciens de la Chambre et des organisations professionnelles qui, eux, les transfèrent aux producteurs.
« Chacun joue sa partition. À l’Armeflhor, on est un peu à l’intersection entre la recherche du Cirad et les organismes du développement comme la Chambre ou les organisations de producteurs, on anime la démarche globale. Mais la Chambre et l’enseignement agricole sont chargés d’animer la démarche pur transfert », à l’attention non seulement des agriculteurs et des techniciens, mais aussi des structures et des organismes.
Parallèlement à cela, un deuxième enjeu, souligne Guillaume Insa, est « de faire beaucoup plus "d’inter-DOM", de faire en sorte que les DOM échangent plus à la fois sur les problématiques et sur les acquis qu’ils ont obtenus », ceci afin d’éviter qu’un département ne fasse les mêmes essais qu’un autre précédemment.
Une biofabrique à La Réunion
Concrètement, sur le terrain réunionnais, cette synergie partenariale s’est traduite par la mise en place fin 2014 de la biofabrique La Coccinelle. Elle produit des insectes auxiliaires des cultures destinés aux producteurs serristes pour leur permettre de réduire l’usage des intrants chimiques et donner de réelles perspectives de développement de la Protection Biologique Intégrée[6].
« C’était le premier projet validé par le RITA en 2012. À l’époque, le besoin des professionnels était : "il nous faut une gamme complète en auxiliaires pour nos serres". Donc l’Armeflhor, le Cirad, la Fdgdon[7] et l’embryon de Coccinelle se sont réunis autour de la table. On s’est réparti les rôles : le Cirad a travaillé sur la connaissance de l’insecte, la Fdgdon sur la mise au point des méthodes d’élevage, l'Armeflhor sur les efficacités dans les itinéraires techniques et La Coccinelle mettait tout cela en musique et en technique d’élevage (…). On voit le produit fini : La Coccinelle est un outil sous gouvernance des agriculteurs et qui vend des insectes à destination des agriculteurs, c’est donc bien un transfert fait par les agriculteurs pour les agriculteurs. »
Chaque maillon de cette chaîne collaborative s’illustre de façon évidente dans ce cas-ci : côté recherche, le Cirad s'occupe du volet biologie de l’insecte et fait des tests en laboratoire sur les insectes auxiliaires des cultures afin de déterminer leur adaptabilité, leur développement et leur gamme de proies. Il passe ensuite le relai aux équipes de l'Armeflhor pour l'expérimentation, sous serre en grandeur nature. Enfin, une fois tous les essais terminés, la production d’auxiliaires est assurée par La Coccinelle grâce à ses serres d'élevage.
Actuellement, la biofabrique produit des microguêpes Encarsia et Eretmocerus au stade larvaire. Elles vont émerger dans ses serres et parasiter les larves d’aleurode, ravageur majeur de la tomate, communément appelé « mouche blanche ». Ces microguêpes sont ensuite conditionnées sous forme de plaquettes qui sont distribuées une à deux fois par semaine aux serristes par l’intermédiaire des organisations de producteurs ou des conseillers techniques.
[1] Armeflhor - Association Réunionnaise pour la Modernisation de l’Economie Fruitière, Légumière et HORticole
[2] Cirad - Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement
ACTA - Réseau des instituts des filières animales et végétales
[3] Le RITA conduit des projets soutenus par les fonds publics européens (POSEI et FEADER), des collectivités et de l’Etat. C’est à travers cette organisation « filtre » que sont actuellement conduits dans les DOM les projets du Ministère de l’Agriculture tels que Ecophyto, Ecoantibio, Ambition Bio, etc.
[4] DAAF - Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt
[5] L’agro-écologie est définie par le Ministère de l’Agriculture français comme « l’ensemble des pratiques privilégiant l’autonomie des exploitations agricoles et l’amélioration de leur compétitivité en maintenant ou en augmentant la rentabilité économique, en améliorant la valeur ajoutée des productions et en réduisant la consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytosanitaires et de médicaments vétérinaires, en particulier les antibiotiques ».
[6] La Protection Biologique Intégrée (PBI) est une méthode de protection des cultures qui consiste à privilégier un ensemble de moyens biologiques en alternative à la lutte chimique afin de lutter contre les organismes nuisibles des cultures. Elle combine deux méthodes de lutte alternative : la lutte biologique, basée sur l’utilisation d’organismes dits auxiliaires, et la protection intégrée, qui combine de façon rationnelle un ensemble de mesures biologiques, chimiques, physiques et culturales.
[7] Fdgdon - Fédération Départementale des Groupements de Défense contre les Organismes Nuisibles